Art. 02-22 : Maudits écrans !
Maudits écrans !
Les campagnes de santé publique sont parfois formulées sous forme d’interdiction totale, pure et simple : « Pas d’écrans avant 3 ans ».
Comment s’assurer que son enfant ne voie aucun écran avant 3 ans… quand la salle d’attente du pédiatre est équipée d’une télé, quand la maîtresse met un dessin animé parce qu’il pleut pendant la récré, quand le parent pointe à l’entrée de la crèche sur une tablette, quand ces « maudits écrans » nous suivent partout, tout le temps?
Petit tour d’horizon du numérique et des jeunes enfants…au quotidien et dans les usages.
Les écrans au quotidien
En une dizaine d’années, l’environnement numérique des familles s’est considérablement transformé : smartphone, tablettes, réseaux sociaux, jeux interconnectés, applications, bouquet vidéos, articles de puériculture connectés etc.
Des positions radicales et largement médiatisées s’imposent sur le risque de surexposition des enfants aux écrans. Bien sûr un risque d’effets délétères existe dans certains contextes. Vous et moi sommes d’accord et comprenons que laisser un jeune enfant regarder des écrans 6/8 h par jour est néfaste, excessif, abusif.
Le problème de l’écran, c’est qu’il va quelque part voler du temps de jeu à l’enfant, du temps d’interaction, de partage, de communication. À l’enfant et à l’adulte…
Face à un discours parfois culpabilisant sur la dangerosité des écrans, d’autres voix se font entendre sur l’intérêt du numérique, comme L’Éducation Nationale qui « voit en la tablette numérique une belle opportunité d’accompagner l’éveil des enfants et encourage un programme de maternelle incluant l’usage de la tablette numérique. »
Dans de telles conditions, il n’est pas surprenant que le découragement guette. Il y a de quoi se sentir démuni, parfois dépassé pour bien accompagner ses enfants dans leur vie numérique, en étant soi même connecté. Qu’on le déplore ou non, les écrans sont partout, au service de notre vie quotidienne et professionnelle, connectés en flux permanent, devenus vitaux pour notre sociabilité.
Nous ne pouvons pas vivre comme si les écrans n’étaient pas là, nous devons juste être conscients qu’ils sont partout et accessibles.
Cela touche directement les parents et indirectement les professionnels de la petite enfance pris en grand écart entre préconisations institutionnelles et usages numériques au quotidien.
Les usages numériques familiaux
« Nous c’est sans écran, nous n’avons même pas de télé »
« Les berceuses avec le téléphone pour des siestes nomades, ça dépanne »
« Mon bébé de 11 mois est fasciné par la vidéo, c’est incroyable ! »
« Le numérique c’est inné pour eux »
« Bah, ce sont les jouets de maintenant »
« Ils y passent trop de temps c’est infernal »
« Bon, comme ça j’ai un peu la paix »
« Avec les grands on fait des journées Off, mais c’est pas toujours évident »
Le numérique provoque un débat parfois houleux, souvent passionné, et fait pourtant partie intégrante du quotidien des enfants.
Une étude a révélé que 58% des parents interrogés indiquent que leurs jeunes enfants (0-5 ans) utilisent un écran numérique. En grandissant cet usage augmente, 70% des enfants entre 3 et 5 ans utilisent ces outils. 50% des parents avouent se laisser distraire par leur téléphone durant les échanges avec leurs enfants.
Certains usages sont devenus indispensables à la famille, largement reconnus depuis la pandémie Covid-19 : un bébé sur les genoux de son parent lors d’un appel visio avec la famille éloignée, ou pour regarder les photos sur le smartphone, des contenus sélectionnés et adaptés aux 2/3 ans comme compléments d’éveil ...
Contenus, qui permettent au quotidien de souffler un peu, de s’occuper d’un aîné en demande, de faire patienter, de gérer une conférence en télétravail…
Avec les jeunes enfants, les couleurs, les mouvements, les musiques, tout est réuni pour capter leur attention. Et chacun sait qu’il y a un moment où la stimulation provoque de la crise. La tempête après le calme.
Pour les parents, la peur résiduelle de l’envahissement est bien présente, avec en ligne de mire les usages numériques invasifs des plus grands et des adolescents. Et une gestion intra-familiale vraiment pas simple.
Et si la question de la régulation des enfants plus grands et des pré-ados commençait plus tôt ?
Entre 3 et 6 ans, le numérique peut devenir une occasion supplémentaire de s’approprier des règles de vie sociale : c’est l’âge où l’enfant a besoin d’apprendre et de comprendre ce qu’il peut faire, puis aussi ce qu’il doit faire.
La petite enfance, c’est probablement le moment de commencer à éduquer progressivement et sereinement le rapport aux objets, aux usages, aux ressources numériques pour que devenus pré-adolescents, ils aient acquis autonomie et responsabilité numérique tout en ayant renforcé leur créativité.
Plutôt que de s’alarmer, s’emparer du sujet
C’est peut-être ça l’enjeu : s’intéresser aux risques que le numérique comporte notamment dans ses excès, mais aussi aux créations et aux initiatives inattendues qu’il permet dans la vie économique et sociale ainsi que dans nos espaces intimes.
Comme tout ce qui touche à la petite enfance, mon objectif est d’aider à retrouver du bon sens et désamorcer la culpabilité insidieuse.
Enfance-Créativité, c’est une plate-forme d’accompagnement. Qui dit accompagnement dit questionnement et adaptation.
Récemment m’a été demandée une formation destinée aux professionnels de la petite enfance sur l’accompagnement aux usages numériques des jeunes publics. Quelque chose s’anime dans la petite enfance.
La question n’est plus de savoir comment prémunir les jeunes enfants du numérique, puisque les écrans font désormais partie intégrante de leur quotidien.
Le numérique peut aussi devenir un outil d’apprentissage pour les jeunes enfants (3-5 ans), dans certaines conditions. Il nécessite pour cela des activités adaptées, le plus souvent associées à des objets physiques. Et, toujours, avec une personne pour accompagner l’enfant dans cet apprentissage. Une médiation par les mots, les échanges, la complicité.
Les précurseurs de cette évolution, ce sont les parents eux-mêmes dans leur manière de gérer le numérique au quotidien, dans leur accompagnement, leurs interactions, leurs recherches, leur débrouillardise si créative.
C’est là que j’ai besoin de vous, de vos constats, de vos habitudes, de vos attentes, de vos préoccupations, de vos priorités. C’est pour cette raison que j’ai élaboré le questionnaire “Les écrans, les enfants et nous “.
Si vous pouvez m’accorder quelques minutes pour répondre à ce questionnaire, vous m’aiderez à mieux cerner vos besoins. Et cerise sur le gâteau, si vous le diffusez autour de vous par l’intermédiaire de vos propres réseaux sociaux, j’aurai un bel éventail de réponses pour bien travailler ce sujet.
Retrouvez le questionnaire ici
Alors, oui c’est encore une enquête…mais pas ennuyeuse ;-) car elle nous concerne directement.
Pour approfondir la thématique, retrouvez la métaphore culinaire de Serge Tisseron pour guider la consommation d’écran.
Et pour conclure, comme il le souligne : « Les (maudits ;-)) écrans ne nous menacent pas, c’est leur mauvais usage qui nous menace ».
Mots dits sur les écrans ;-)
Nathalie 🌱